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La bobine d'Ariane
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9 décembre 2006

Hier, 8 décembre

rangee_bougiesDix-huit heures. Je suis devant le Théâtre des Célestins. Ce n'était pas par là que je pensais commencer, mais une foule inhabituellement oppressante m'a fait sortir du métro plus tôt que prévu.
Devant le Théâtre, des lances brumisantes tissent un rideau aquatique sur lequel sont projetés des insectes lumineux.
Papillons, abeilles, hannetons, libellules apparaissent sur le rideau d'eau, tournent, puis s'écartent et vont finir sur les murs entourant la place... L'illusion de printemps est appuyée par des senteurs de jasmin et une musique de Mozart revisitée, bzzisée pour évoquer le bruissement des insectes dans une prairie. La magie opère, les odeurs, la musique et ces projections étonnantes me font oublier un instant que le parapluie du monsieur de devant m'empêche d'avoir une vue panoramique ! Car il pleut beaucoup en ce 8 décembre 2006...

J'ai oublié mon appareil photo. De toutes façons il n'avait plus de batterie, et tant pis, je profite mieux de l'instant quand j'essaye de le fixer dans ma tête. J'espère que yocahuma aura mis des photos sur son blog...

J'avais vu sur le programme la mise en scène de la cour de l'Hôtel de Ville. Pour cela je longe la Place des Jacobins, ou des artistes essayent de nous faire imaginer le décollage de la fontaine par flashs et éclairages stroboscopiques. Passons les Grandes Rues commerçantes illuminées que je trouve sans âme, pour nous retrouver derrière l'Hôtel de Ville ou les parapluies font la queue. Je ne regretterai pas l'attente. Les balcons, les statues, tous les pleins et les déliés de cette cour habituellement monochrome sont mis en relief par des lumières de couleurs vives. Fushia, orangés, bleus cobalt. Ces couleurs qui pourraient évoquer des bonbons écoeurants mettent étonnamment en valeur le bâtiment. Le transforment. Nous sommes ailleurs, dans un palais de féerie, et la petite fille en moi s'émerveille de découvrir un faune-fontaine qu'autrement je n'aurais pas remarqué.

Place des Terreaux. L'installation à base de ballons blancs lumineux ne fonctionnera pas. Noyée par la pluie. Je décide de gravir les pentes de la Croix-Rousse. J'aurais pu monter en métro, mais monter à pied me fait moins peur qu'affronter à nouveau la foule. Et j'en profiterais mieux. Je retrouve les traboules que je connaissait mieux dans l'autre sens. Une traboule est un passage, entre deux rues parallèles, par les entrées des immeubles et la cour intérieure qui les sépare. Les artisans de la soie, les Canuts, utilisaient les traboules pour traverser plus vite à pied et être au maximum à l'abri de la pluie. Ce soir, je l'apprécie. La première traboule est décorée de tournesols givrés lumineux, la deuxième de légumes géants. Ballade surprise. 

Sur une petite place, une installation tente d'exister : des centaines de lumignons accrochés à des branches d'arbres, qui tentent d'éclairer des papillons faits de bouteilles plastiques récupérées. L'idée est bonne, mais la pluie incessante éteint ces lumières plus vite que les auteurs n'arrivent à les rallumer. Plus loin, la Cour des Voraces est décorée de grandes bobines de fil de soie suspendues et éclairées de couleurs douces. Comme un hommage à ces artisans Canuts dont la révolte a été matée ici. Ambiance recueillement.

Place Colbert, pause vin chaud en regardant des projections de photos de paysvoisinsages. Il n'y a presque personne dans ce coin, mais j'ai plaisir à déambuler dans ce quartier. Souvenirs d'avoir habité en haut de ces pentes et d'avoir souvent pris ces chemins de rues en escaliers et en cours intérieures. Les façades austères adoucies par les lumignons, le charme puissant des Pentes de la Croix-Rousse me reprend. Avec ces appartements plus que centenaires, hauts de plafond pour rentrer le métier à tisser, matériaux chaleureux des poutres, parquets et tomettes... Ces lieux chargés d'histoire restent encore peuplés de lieux alternatifs, de petits cafés ou de clubs de musique. Beaucoup plus de charme que les grandes avenues du centre ville. Traboules, escaliers, ruelles, un urbanisme à taille humaine tout en recoins qui nous parle d'un temps ou la voiture n'existait pas et où la vie tournait autour de la soie.

La soie justement, il en est question lorsque j'arrive Montée de la Grande Côte. D'en haut, on passe sous un dais de fils de soie lumineux. Les fils viennent se rassembler depuis des cocons géants installés dans les arbres le long de la descente, formant une trame de plus en plus large. Dévider la soie, former un écheveau, j'ai vu cela une fois et c'est très bien rendu. J'apprécie le point de vue sur la ville illuminée en contrebas. Les ponts de la Saône sont enguirlandés et j'irais bien voir de plus près.

En prenant vers la droite pour rejoindre la Saône, un moment magique m'attend encore. Du haut d'un escalier, je découvre un labyrinthe de lumignons posé dans l'amphithéâtre des trois Gaules. Je descends et m'approche. Le "labyrinthe de lumière" est dessiné de cailloux, au long duquel les visiteurs doivent déposer une bougie. Je longe un moment le tracé du labyrinthe, faisant tours et détours au son d'une musique syncopée jouée par un quatuor de cuivre. "Vous pouvez faire une prière en posant le lumignon" m'avait invitée la dame à l'entrée. OK. Je prie pour qu'il y ait toujours des gens pour faire de tels gestes inutiles et poétiques... Je m'approche des musiciens qui jouent sous la pluie. Ils sont habillés de noir et portent une lampe frontale pour voir leur partition ! Étonnant ce tango argentin joué par trompettes et tubas. Lui aussi participait à l'ambiance et à l'évasion de ce moment irréel...

bougie__teinteJe quitte la Croix Rousse, longeant la Saône et son beau panorama, avant de m'engouffrer dans la rue St Jean noire de monde. J'étais là il y a six mois, pour la fête de la musique, et il y a autant de monde, malgré l'humidité. J'arriverai au métro sans avoir vu l'animation de la place de la Cathédrale, inaccessible.

De retour dans mon quartier, beaucoup plus calme, quelques voisins ont joué le jeu et les lumières tremblotent le long des fenêtres et balcons. A mon tour. Certaines de mes bougies s'éteignent, vaincues par une goutte venue s'écraser juste sur la mèche. Mais la plupart résistent.

Les gens disent que la tradition s'est perdue, qu'on met moins de bougies qu'avant, qu'il n'y en a pas à toutes les fenêtres. Peut-être, hier je me suis réjouie de celles qui restent encore allumées...

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Commentaires
C
Très belle description, on s'y croirait... :o)
Y
Je n'ai pas pu accéder à l'hôtel de ville (la foule)mais j'en ai pris plein les mirettes quand même. Maintenant que je connais un peu mieux la ville, ce sera plus facile l'année prochaine si je viens. J'ai trouvé cette fête magique ! Merci pour le lien et tes commentaires sur mon blog.
A
Fanou, bienvenue.<br /> C'est très sympa de savoir que je peux partager à posteriori ce moment de fête où je me suis promenée seule...
A
Yocahuma a mis des photos de cette soirée à l'adresse suivante<br /> http://bahiadeocoa.canalblog.com/albums/la_fete_des_lumieres/index.html<br /> Pas de photos de la Croix-Rousse par contre..
F
Je m'étais dit que cette année, peut-être, j'emmènerai mes garçons voir la fête des lumières à Lyon. Et puis la pluie, la fatigue et certainement la force d'inertie d'une fin de semaine ont eu raison de mon projet. Mais grâce à ce billet, j'ai pu imaginer qques instants y être, avoir d'autres yeux pour découvrir une poésie si sensible. Et me donner l'envie d'y aller certainement l'année prochaine !
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