Grand-parents
La lecture du billet de Tim sur une femme de 80 ans, Jeanine, m'interpelle.
http://schmetterlinge.over-blog.com/article-4732268-6.html
Je ressent l'apaisement qu'il trouve à aller voir cette femme.
Je retrouve le lien que j'avais tissé avec mon grand-père. Je retrouve dans ce qu'il décrit d'elle, la simplicité de notre relation. Ne jamais être jugée, toujours être appréhendée avec tendresse.
Tim découvre la lecture avec Jeanine, j'ai découvert la nature avec mon grand-père, un autre genre de culture, plus terrienne, qui me changeait de mon univers citadin et intellectuel.
Mon grand-père avait ce que j'appellerais un "jardin ouvrier", un lopin de terre non constructible, pas à côté de sa maison. Pour moi c'était le paradis sur terre. Un jardin au bord du Rhône, au sud de Lyon. Une terre inondable, super fertile. On accédait par une petite porte en métal peint, avec des rosaces en fer forgé. La porte du paradis, entourée de murets suffisamment hauts pour garder secret ce qu'il y avait derrière... Une fois la porte poussée, on avait à droite une cabane pour ranger les outils. Une vraie petite maison pour l'enfant que j'étais, mais avec une seule pièce étroite qui sentait la poussière. En face de la même porte, juste après la cabane, deux rangées de fleurs entouraient un petit chemin qui invitait à pousser plus loin. C'est que ce lopin était tout en longueur. Des longueurs de merveilles, laitues, cardons, pois gourmands, haricots bien sûr, petits pois... Le chemin continue, tomates, ciboulette, oignons, on en plante des choses dans un lopin de terre !
Plus loin, au fond, un cerisier, des framboisiers, des fraisiers. Le régal de la petite fille qui mange autant qu'elle ramasse, partageant son goûter de fruits avec les abeilles et les fourmis.
Et puis au retour, des pommes de terre, bien sûr, mais pas n'importe lesquelles ! Des petites rattes, les meilleures. Car c'est toute une éducation gustative qui va avec ce jardin, et la jeune fille qui passe voir son grand-père quelques années plus tard le trouve au jardin : "les rattes tu les fais avec les pois gourmands et quelques lardons, à la poêle..."
C'est qu'il aimait manger le grand-père. C'est qu'il aimait la vie.
Je l'ai bien connu car ma grand-mère l'a laissé tout seul assez tôt et pour assez longtemps. Il venait souvent dormir deux ou trois jours chez mes parents, et je le retrouvais pour discuter après les cours. D'où une certaine complicité de ceux qui ont partagé un bout de chemin ensemble. A bien y réfléchir, la complicité avec lui ne demandait pas beaucoup d'efforts. Homme facile d'accès, facile à contenter. Plus tard, quand je conduisais, je pouvais aller le voir dans son village, l'emmener à son jardin ou se promener sur les bords du Rhône suffisaient à lui faire très plaisir. Parfois nous allions au café ensemble ou au restaurant.
Il sentait que j'aimais aussi ces instants simples.
Ces personnes d'un âge qui ont fait la paix avec la vie nous donnent un réconfort inimaginable. Aujourd'hui il n'est plus, il me manque mais surtout le souvenir du jardin de mon grand-père est un petit morceau de paradis que j'emporte partout avec moi...